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Végétarisme

par le Rev. Keisho Leary

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Traduction française par Genei de la page https://www.tendai-usa.org/copy-of-what-is-tendai-buddhist-pra

 

Le végétarisme est en soi un sujet plutôt mineur au sein du bouddhisme, mais il suscite une controverse qui dépasse son importance. En examinant le seul sujet du végétarisme, il faut y ajouter d'autres sujets apparemment sans rapport : comment le bouddhisme s'adapte-t-il à de nouvelles langues et cultures ? Qu'est-ce qu'un moine ou qui est-il ? Comment les écritures Mahayana et Vajrayana se sont-elles développées à partir des écrits Pali ? Quel est l'enseignement sur le fait de tuer? L'étude de ces questions ne consiste pas à sélectionner des passages des sutras pour justifier une idée préconçue. Il s'agit plutôt d'un exercice visant à comprendre l'intention et le raisonnement du Bouddha Shakyamuni.

 

Vers la fin des quatre-vingts ans de Shakyamuni, le moine Devadatta demanda à son cousin le Bouddha de réformer les règles de la sangha des moines et des nonnes de plusieurs manières spécifiques, notamment en adoptant un régime végétarien. Le Bouddha refuse et réitère la règle existante : les moines peuvent manger de la viande lorsqu'elle leur est offerte, à condition (1) que l'animal n'ait pas été tué spécifiquement pour eux, et (2) qu'ils n'aient pas été témoins de la mise à mort de l'animal ou (3) qu'ils n'aient pas entendu ses cris pendant qu'il était mis à mort. Avec ces trois conditions, les moines ne pouvaient pas refuser la viande si elle leur était offerte, et ne pouvaient donc pas être végétariens. Outre ces trois conditions, le Bouddha a énuméré à d'autres occasions divers animaux dont la chair ne doit en aucun cas être consommée, tels que les tigres, les ours, les éléphants et les humains.


L'échange avec Devadatta est généralement cité pour justifier la croyance selon laquelle nous, bouddhistes d'aujourd'hui, devrions manger de la viande et ne pas être végétariens. Mais je pense que si l'on examine un peu plus en profondeur l'histoire de Devadatta et d'autres histoires dans les écritures, et si l'on regarde avec un œil impartial et ouvert, on conclura que nous devrions presque tous être végétariens. Cela ne veut pas dire que si quelqu'un n'est pas végétarien, il n'est pas un vrai bouddhiste, et certaines des lumières spirituelles les plus brillantes d'aujourd'hui ne sont pas végétariennes.

Mais les paroles de Shakyamuni à Devadatta ne s'appliquaient qu'aux moines et aux nonnes, qui dépendaient entièrement des offrandes des laïcs pour leur subsistance. Les moines et les nonnes ne manipulaient pas d'argent et n'achetaient pas de nourriture pour eux-mêmes. L'animal dont la chair était reçue était tué à l'insu, sans la participation ou l'encouragement du moine et, en ce qui concerne la nutrition, il servait à soutenir la vie et la pratique du moine qui, à son tour, profitait au peuple.

Aujourd'hui, 2500 ans plus tard, combien de bouddhistes portant les robes mènent une vie semblable à celle des moines de l'époque de Shakyamuni, ou même reçoivent toute leur nourriture des mains de laïcs ? Très peu, je pense. Ceux qui ont quitté leur foyer, se sont rasé la tête, portent la robe bouddhiste et pratiquent le Dharma mènent une vie bien différente de celle des laïcs. Mais la grande majorité d'entre eux ne mène pas non plus une vie de moine ou de nonne, notamment en ce qui concerne la manière dont ils se nourrissent. Même si le titre de "moine" est souvent utilisé par ceux qui portent la robe, ce sont en réalité des prêtres bouddhistes, et non des moines, et ils sont soumis à des contraintes différentes de celles des moines. Ils ont de l'argent sur eux et choisissent les aliments qu'ils achètent. En ce sens, ils sont des "consommateurs", jouant ce rôle dans la société. En tant que classe, les "prêtres" ne faisaient pas partie de la quadruple Sangha de Shakyamuni, composée de moines, de nonnes, de laïcs et de laïques, mais sont apparus plus tard dans l'histoire, en partie parallèlement à l'évolution du Mahayana. Aujourd'hui, même si l'on vit au sein d'une communauté bouddhiste, que l'on ne manipule pas d'argent et que l'on mange tout ce qu'on reçoit, certaines personnes de cette communauté manipulent de l'argent et achètent de la nourriture. Lorsqu'elles vont dans un supermarché ou un restaurant et choisissent d'acheter de la viande, cette viande a été tuée spécifiquement pour elles, en tant que consommateurs. C'est la condition numéro un de Skakyamuni. Dans la mesure où les consommateurs n'achètent pas de viande, le supermarché ne commande pas de viande et les animaux ne sont pas tués. Par conséquent, à moins que le prêtre ne mendie sa nourriture, il ne doit pas manger de viande ou faire manger de la viande à d'autres personnes, chaque fois qu'il en a l'occasion.

Mais si ceux qui sont entrés dans les ordres bouddhistes ne sont pas vraiment des moines ou des nonnes, l'histoire de Devadatta s'applique-t-elle à eux ? Même s'ils ne sont pas des moines, ils ont en fait pris la place des moines dans le bouddhisme moderne et sont les héritiers et les transmetteurs des diverses traditions du Dharma commencées par les moines. Leur intention est de maîtriser tous les dharmas, de servir fidèlement tous les bouddhas, de sauver tous les êtres sensibles, etc. comme ils s'y sont engagés en prenant sur eux les cinq grands vœux du bodhisattva. Par conséquent, il convient qu'ils comprennent et suivent les instructions de Shakyamuni sur la consommation de viande, telles qu'elles sont exposées dans l'histoire de Devadatta et à d'autres endroits.

Certains disent que les bouddhistes devraient manger de la viande pour éviter d'offenser les gens. Mais le Bouddha lui-même, tout en refusant de s'engager dans des débats stériles et spéculatifs, n'évitait pas d'offenser les gens si la situation l'exigeait. Dans ses écrits, il ridiculise non seulement Devadatta, mais aussi les hérésies d'autres sectes, ainsi que diverses philosophies et certaines pratiques ascétiques. Les moines étaient tenus d'offenser les donateurs en refusant les offrandes de nourriture si les trois conditions n'étaient pas remplies ou si le repas comprenait la chair d'un animal interdit. L'un des principaux devoirs d'un disciple du Bouddha était également d'enseigner le Dharma aux gens. Dans le bouddhisme chinois, lorsqu'un laïc bien intentionné apporte une offrande de viande au temple, on peut lui enseigner que le fait d'offrir le produit d'un meurtre n'apporte aucun mérite, ni au prêtre, ni au laïc. Le résultat de cet enseignement au fil des ans est que la plupart des prêtres chinois et de nombreux laïcs sont aujourd'hui végétariens et que leurs temples sont florissants.

 

La question suivante est la suivante : si les végétariens bouddhistes sont opposés au meurtre, pourquoi tuent-ils des légumes ? Le problème de la traduction doit ici être pris en compte. Il est largement admis qu'au fur et à mesure que le Dharma se propageait dans des pays autres que la partie de l'Inde où Shakyamuni a voyagé, des pays avec des coutumes et des langues différentes, le bouddhisme lui-même a changé et s'est adapté à ces nouvelles cultures, tout comme il le fait aujourd'hui en Amérique. Cependant, toutes les adaptations ne sont pas autorisées. À un moment donné, un disciple a soumis ce problème à Shakyamuni : dans le cas où ce disciple et ses compagnons avaient l'intention d'aller répandre le Dharma dans un pays étranger, devaient-ils enseigner dans la langue utilisée par le Bouddha (aujourd'hui considérée comme le pali) ou dans la langue du nouveau pays ? Le Bouddha a répondu qu'il était possible de traduire les enseignements dans une langue étrangère, à deux conditions. Premièrement, ils devaient conserver son sens et son intention, et deuxièmement, ils devaient conserver son raisonnement.


La langue chinoise a constitué un obstacle particulièrement difficile à franchir, et la signification du précepte interdisant de tuer, presque toujours placé en tête de toute liste de préceptes, ce qui indique sa primauté, est pertinente pour notre enquête. Dans ce précepte, parfois formulé comme "ne pas tuer les êtres vivants" ou "ne pas prendre la vie", les mots "vie" et "êtres vivants" en chinois (et donc en japonais) comme en anglais, bien qu'ils fassent généralement référence au règne animal, n'excluent pas le règne végétal. Ainsi, si l'on respecte strictement le précepte de ne pas prendre la vie, qu'elle soit végétale ou animale, la vie humaine ne pourrait pas être maintenue. Et si un précepte est impossible à respecter, alors nous devons l'ignorer ou le rationaliser, ce qui est exactement ce qui s'est passé au fil du temps dans le monde moderne. Mais ce n'est évidemment pas l'intention du Bouddha, ni son raisonnement, ni sa signification.


Tuer des plantes pour se nourrir ou pour d'autres usages nécessaires n'est en aucun cas répréhensible. (D'un autre côté, le Bouddha a essayé de mettre un frein à la destruction irréfléchie, inutile et gaspilleuse de la vie végétale. Le monde végétal est digne d'attention et de respect, notamment parce qu'il nourrit, oxygène et abrite l'ensemble du règne animal). Pourtant, les végétariens entendent parfois de la part de non-végétariens quelque chose comme : "Eh bien, vous tuez les pommes de terre et les épinards, n'est-ce pas ? Ne sont-ils pas eux aussi des êtres vivants ?" L'implication ici est que puisque les animaux et les plantes sont tous deux des êtres vivants, et que tout le monde tue des plantes, il est également acceptable pour nous, bouddhistes, de tuer des animaux, à condition que cela soit fait dans une attitude de respect, de révérence et de gratitude (peuvent-ils ajouter). C'est là qu'intervient le problème de la traduction. Si l'on revient au pali ou au sanskrit, le précepte fait clairement la distinction entre le monde végétal et le monde animal en utilisant, non pas le terme "prendre la vie", mais le terme "prendre le souffle" ("panatipata" en pali). C'est ce que le Bouddha voulait dire et voulait faire. En comprenant cette erreur de traduction, il devient possible de respecter pleinement le précepte interdisant de tuer tout en préservant le corps et l'esprit.

Les soutras du Mahayana, qui suivent les lignes directrices pour l'adaptation du Dharma aux différentes circonstances, ne contredisent pas non plus les enseignements de Shakyamuni. Les préceptes du bodhisattva sont généralement considérés comme les 10 préceptes majeurs et les 48 préceptes mineurs mentionnés dans le Soutra du filet de Brahma. Le troisième des préceptes mineurs interdit de manger de la viande ou d'inciter les autres à le faire. Le Sutra de Lankavatara affirme que le bodhisattva existe dans le but de sauver les êtres vivants, et non de les manger. Dans les écritures du Vajrayana, on trouve une déclaration apparemment choquante selon laquelle même s'ils tuent tous les êtres sensibles du triple monde, les pratiquants de ce soutra (qui fait partie du Prajna Paramitra Soutra en 600 volumes) ne tomberont pas dans les royaumes inférieurs pour autant. La controverse sur ce passage dans le Japon du IXe siècle a été réglée avec autorité par Kobo Daishi, qui a conclu que le "Triple Monde" fait référence aux trois poisons de l'avidité, de la colère et de l'ignorance, qui, une fois détruits, éliminent toute notion d'êtres sensibles en tant que tels, et il a averti que toute personne qui interprète ce passage littéralement est un ennemi du Bouddha. En outre, dans le Vajrayana, les "préceptes spéciaux" sont tous basés sur les quatre vœux du samaya, dont l'un est le vœu de ne jamais nuire aux êtres sensibles.

 

En résumé, nous pouvons donc constater que le Bouddha a insisté sur l'importance de ne pas tuer, et que cela ne concerne que la vie animale, et non la vie végétale. De plus, les raisons du Bouddha de manger de la viande faisaient partie intégrante d'un mode de vie qui n'existe pratiquement plus aujourd'hui, où la grande majorité des personnes portant la robe bouddhiste ne sont ni des moines ni des laïcs, mais plutôt des prêtres qui répondent aux critères du Bouddha pour refuser de manger de la viande. Par conséquent, si le pratiquant bouddhiste ne mène pas une vie de mendicité, et dans la mesure où il a le choix de ce qu'il mange, il devrait suivre l'intention et le raisonnement du Bouddha et s'abstenir de manger de la viande.

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http://www.quietmountain.org/dharmacenters/buddhadendo/

(Reprinted with permission of Rev. Dr. Douken Unkai, President of the former California Tendai Monastery)

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